Auteur/autrice : Samuel Monnard

Marseille-Saint-Charles

J’ai voyagé trop vite, déjà.

Il me restait 5 euros, et une fois à l’automate, je songeais aux 100 euros que je pourrais retirer. Sur l’instant, cela m’apparut trop, alors je mets la carte, compose mon code à l’abri des regards. Puis j’appuie sur les 40 euros. La machine réfléchit. Elle consulte mon compte. J’ai un présentimment. La machine s’éternise ou est-ce moi ? La carte ressort. Je sais. Sur l’écran s’affiche « montant indisponible ». Je sens mon corps qui se glace, me prend au ventre déjà engourdi pour n’avoir rien mangé de la journée.

Je reprends ma carte avec la sensation que cette fois-ci, j’allais devoir composer différemment, faire face à moi-même. Toutes les cartes de mon château s’envolent au vent. Je suis seul, sans argent, loin de chez moi et le monde s’est transformé en quelques secondes.

J’essaies de rester calme.

C’est débile, sans argent. La batterie de mon téléphone épuisé. Je ressens cette angoissante impression, celle qu’on ressent lorsque le côté matériel nous échappe.

Le pire est de ne pas oser demander de l’aide, il va pourtant le falloir. J’ai honte. Trop bien vêtu pour être de la rue, pas assez pour me confondre aux autres.

C’est aussi la première fois où j’écris et que je voudrais que ce soit moins noir.

Loin de tout et vite

Quelques jours plus tôt, j’étais déjà là, sur ce banc. Je suis devant l’embarcadère de Ouchy à Lausanne. Les bateaux s’en vont inlassablement pour rejoindre Evian-Les-Bains.

Oui j’étais là, au même endroit avec la même certitude, prendre mon courage à deux mains et fuir cette société où je ne trouvais pas encore ma place. Il y a quelques jours, j’ai regardé les lumières du dernier bateau s’éteindre. Il était passé minuit et je n’avais pas réussi à faire ce premier pas.

Et puis ce jeudi 17 juillet 2008, je me lève du banc. Mon billet en main, je parcours les quelques mètres qui me séparent du pont d’embarcation. Ce n’est qu’un bateau, ce n’est que le Lac Léman, mais c’est le départ d’une grande aventure, la toute première.

Trois mois plutôt j’avais écrit dans mon carnet :

Je n’aime par le monde dans lequel on vit, car tout est un grand miroir et me rappelle que je suis loin encore, très loin de savoir profiter de ce qui m’entoure.

Je savais très bien que je ne trouverai pas l’herbe ailleurs plus verte. De véritalbes questions, il y en avait pas. Juste partir, pour fuir tout en sachant que je me transportais dans cet escapade.

necessaire_de_voyages_19_04_2008

Prémisse du premier voyage

FORMATAGE
AGROUAGE
MEPHAGE
SARCOPHAGE
POPHINAGE

Plus tard ! je suis à deux milles lieux de savoir la chance que j’ai, d’être et de faire ce que je fais.

A peu prêt comme un ordinateur j’aimerais tout effacer, nettoyer et réinstaller avant de continuer quelque chose de nouveau.

Cela me fait peur, cela me crispe, cela me dégoûte, qu’il n’y ait pas plusieurs chances parfois.

Tout semble se rompre, nettement à l’échelle humaine.

Vivement que je me renvoles, à que je sois complètement libre de tout abandonner. J’ai plus envie de prévoir mais de vivre au jour le jour. Désormais, j’attends et me prépare pour ce jour.

Made with Love @ 2017 Samuel Monnard